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— En ce cas, rien à faire.

— Comment, rien à faire ? Mais il s’agit de les semer, et proprement.

— À quoi cela me servirait-il, puisque je rentre chez moi et que mon domicile est connu ?

— Hein ? Après ce qui s’est passé, vous auriez le toupet de rentrer chez vous ?

— Où veux-tu que je couche ? Sous les ponts ?

— Mais, cré tonnerre ! vous ne comprenez donc pas qu’à la suite de cette histoire il va y avoir un tapage infernal, que vous êtes déjà compromis jusqu’à la gauche et que tout le monde va se retourner contre vous ?

— Eh bien ?

— Eh bien, lâchez l’affaire.

— Et les assassins de Cosmo Mornington et de Fauville ?

— La police s’en charge.

— T’es bête, Alexandre.

— Alors, redevenez Lupin, l’invisible et l’imprenable Lupin, et combattez-les vous-même, comme autrefois. Mais, pour Dieu ! ne restez pas Perenna ! c’est trop dangereux, et ne vous occupez plus officiellement d’une affaire où vous n’êtes pas intéressé.

— T’en as de bonnes, Alexandre. J’y suis intéressé pour deux cents millions. Si Perenna ne demeure pas solide à son poste, les deux cents millions lui passeront sous le nez. Et, pour une fois où je peux gagner quelques centimes par la droiture et la probité, ce serait vexant.

— Et si l’on vous arrête ?

— Pas mèche. Je suis mort.

— Lupin est mort. Mais Perenna est vivant.

— Du moment qu’on ne m’a pas arrêté aujourd’hui, je suis tranquille.

— Ce n’est que partie remise. Et, d’ici là, les ordres sont formels. On va cerner votre maison, vous surveiller jour et nuit.

— Tant mieux ! J’ai peur la nuit.

— Mais, bon sang ! qu’est-ce que vous espérez ?

— Je n’espère rien, Alexandre. Je suis sûr. Je suis sûr que, maintenant, l’on n’osera pas m’arrêter.

— Weber se gênera !

— Je me fiche de Weber. Sans ordres, Weber ne peut rien.

— Mais on lui en donnera, des ordres !

— L’ordre de me filer, oui ; celui de m’arrêter, non. Le préfet de police est tellement engagé à mon égard qu’il sera obligé de me soutenir. Et puis, il y a encore