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pouvait-il espérer que l’honnête et scrupuleux Mazeroux eût désobéi aux ordres de sa conscience ?

Il répondit :

— Le brigadier Mazeroux s’est endormi sur son fauteuil et il ne s’est réveillé qu’au retour de Mme Fauville, deux heures plus tard.

Il y eut un nouveau silence, et qui signifiait évidemment, celui-là :

— Donc, pendant les deux heures que le brigadier Mazeroux dormait, il vous eût été matériellement possible d’ouvrir la porte et de supprimer les deux Fauville.

L’interrogatoire suivait la marche que Perenna avait prévue, et le cercle se restreignait autour de lui. Son adversaire menait le combat avec une logique et une vigueur qu’il admirait sans réserve.

« Bigre, se disait-il, que c’est malaisé de se défendre quand on est innocent ! Voilà mon aile droite et mon aile gauche enfoncées. Le centre pourra-t-il supporter l’assaut ? »

M. Desmalions, après s’être concerté avec le juge d’instruction, reprit la parole en ces termes :

— Hier soir, lorsque M. Fauville ouvrit son coffre-fort devant vous et devant le brigadier, qu’y avait-il dans ce coffre ?

— Un amoncellement de paperasses sur un des rayons, et, parmi ces paperasses, le cahier de toile grise qui a disparu.

— Vous n’avez pas touché à ces paperasses ?

— Pas plus qu’au coffre, monsieur le préfet. Le brigadier Mazeroux a dû même vous dire que ce matin, pour la régularité de l’enquête, il m’a tenu à l’écart.

— Donc, de vous à ce coffre, il n’y a pas eu le moindre contact ?

— Pas le moindre.

M. Desmalions regarda le juge d’instruction en hochant la tête. Si Perenna avait pu douter qu’un piège lui fût tendu, il lui eût suffit, pour être renseigné, de jeter un coup d’œil sur Mazeroux : Mazeroux était livide.

Cependant, M. Desmalions continua :

— Vous vous êtes occupé d’enquêtes, monsieur, d’enquêtes policières. C’est donc au détective qui fit ses preuves que je vais poser une question.

— J’y répondrai de mon mieux, monsieur le préfet.

— Voici. Au cas où il y aurait actuellement dans le coffre-fort un objet quelconque, un bijou… mettons un brillant détaché d’une épingle de cravate, et que ce