Page:Leblanc - Les Dents du Tigre, paru dans Le Journal, du 31 août au 30 octobre 1920.djvu/36

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mornington ne fût retrouvé, ou du moins ne pût s’interposer entre lui et les millions de l’héritage ? Devait-on attribuer à un noble sentiment de gratitude, à une conception supérieure de l’amitié et du devoir, ce désir étrange de protéger Hippolyte Fauville contre la mort qui le menaçait ?

Durant quelques secondes, M. Desmalions observa ce visage résolu, ces yeux intelligents, à la fois ironiques et ingénus, graves et souriants, au travers desquels on ne pouvait certes pas pénétrer jusqu’à l’énigme secrète de l’individu, mais qui vous regardaient avec une telle expression de sincérité et de franchise. Puis il appela son secrétaire.

— On est venu de la Sûreté ?

— Oui, monsieur le préfet, le brigadier Mazeroux est là.

— Veuillez dire qu’on l’introduise.

Et, se tournant vers Perenna :

— Le brigadier Mazeroux est un de nos meilleurs agents. Je l’employais concurremment avec ce pauvre Vérot lorsque j’avais besoin de quelqu’un de débrouillard et d’actif. Il vous sera très utile.

Le brigadier Mazeroux entra. C’était un petit homme sec et robuste, auquel ses moustaches tombantes, ses paupières lourdes, ses yeux larmoyants, ses cheveux plats et longs donnaient l’air le plus mélancolique. Le préfet lui dit :

— Mazeroux, vous devez connaître déjà la mort de votre camarade Vérot et les circonstances atroces de cette mort. Il s’agit de le venger et de prévenir d’autres crimes. Monsieur, qui connaît l’affaire à fond, vous fournira toutes les explications nécessaires. Vous marcherez d’accord avec lui, et demain matin vous me rendrez compte de ce qui s’est passé.

C’était donner le champ libre à don Luis Perenna et se confier à son initiative et à sa clairvoyance.

Don Luis s’inclina.

— Je vous remercie, monsieur le préfet. J’espère que vous n’aurez pas à regretter le crédit que vous voulez bien m’accorder.

Et, prenant congé de M. Desmalions et de Me Lepertuis, il sortit avec le brigadier Mazeroux.

Dehors il raconta ce qu’il savait à Mazeroux, lequel sembla fort impressionné par les qualités professionnelles de son compa-