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Il l’interrogeait avec une anxiété réelle et une fureur contenue qui rendaient sa voix frémissante. Ses genoux se traînaient sur la dalle. Il suppliait et il menaçait, avide d’être exaucé, et presque désireux d’un refus, tellement sa nature le poussait au crime.

— Est-ce oui, Florence ? Un signe de tête, si léger qu’il soit, et je te croirai aveuglément, car tu es celle qui ne ment jamais, et ta promesse est sacrée. Est-ce oui, Florence ? Ah ! Florence, réponds donc… C’est de la folie d’hésiter !… Ta vie dépend d’un soubresaut de ma colère… Réponds !… Tiens, regarde, ma cigarette est éteinte… Je la jette, Florence… Un signe de tête… Est-ce oui ? Est-ce non ?

Il se pencha sur elle et la secoua par les épaules, comme s’il eût voulu la contraindre au signe qu’il exigeait d’elle, mais, soudain, pris d’une sorte de frénésie, il se leva en criant :

— Elle pleure ! Elle pleure ! Elle ose pleurer ! Mais, malheureuse, crois-tu que je ne sache pas pourquoi tu pleures ? Ton secret, je le connais, ma petite, et je sais que tes larmes ne viennent pas de ta peur de mourir. Toi ? Mais tu n’as peur de rien ! Non, c’est autre chose… Veux-tu que je te le dise, ton secret ? Mais non, je ne peux pas… je ne peux pas… les mots me brûlent les lèvres. Oh ! la maudite femme ! Ah ! tu l’auras voulu, Florence, c’est toi-même qui veux mourir puisque tu pleures !… c’est toi-même qui veux mourir…

Tout en parlant, il se hâtait d’agir et de préparer l’horrible chose. Le portefeuille en cuir marron qui contenait les papiers, et qu’il avait montré à Florence, était par terre, il l’empocha. Puis, toujours trem-