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— À votre disposition. Où allons-nous ?

Indifférent aux allées et venues des gens qui affluaient de tous côtés, don Luis déplia sa carte de France et l’étala sous ses yeux. Il eut quelques secondes d’anxiété devant la complication des routes enchevêtrées, et en imaginant la multitude infinie des retraites où le bandit pouvait emporter Florence. Mais il se raidit. Il ne voulait pas hésiter. Il ne voulait pas même réfléchir. Il voulait savoir, et savoir du premier coup, sans indices, sans vaines méditations, par la grâce seule de cette merveilleuse intuition qui le guidait aux heures graves de la vie.

Et son amour-propre exigeait aussi qu’il répondît sans retard à Davanne et que la disparition de ceux qu’il cherchait n’eût pas l’air de l’embarrasser.

Les yeux accrochés à la carte, il mit un doigt sur Paris, un autre doigt sur Le Mans, et, avant même qu’il se fût demandé nettement pourquoi le bandit avait choisi cette direction Paris-Le Mans-Angers, il savait… Un nom de ville lui était apparu qui avait fait jaillir en lui la vérité comme la flamme d’un éclair. Alençon ! Et tout de suite, illuminé de souvenirs, il avait plongé jusqu’au fond des ténèbres.

Il reprit :

— Où allons-nous ? Derrière nous et sur la gauche.

— Point de direction ?

— Alençon.

— Entendu, fit Davanne. Qu’on me donne un coup de main. Il y a là un champ d’où le départ ne sera pas trop difficile.

Don Luis et quelques personnes l’aidèrent et les préparatifs furent faits rapidement. Davanne vérifia son moteur. Tout marchait à merveille.

À ce moment, une puissante torpédo, dont la sirène grognait comme une bête hargneuse, déboucha de la route d’Angers et, brusquement, s’arrêta.

Trois hommes en descendirent qui se précipitèrent sur le chauffeur de l’automobile jaune. Don Luis les reconnut. C’était le sous-chef Weber, et c’étaient les hommes qui l’avaient mené au Dépôt durant la nuit et que le préfet de police avait lancés sur les traces du bandit.

Ils eurent avec le chauffeur de l’auto jaune une brève explication qui sembla les déconcerter, et, tout en gesticulant et en le pressant de questions nouvelles, ils regardaient leurs montres et consultaient les cartes routières.