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Les Dents du Tigre

Par maurice leblanc


I. — D’Artagnan, Porthos et Monte-Cristo


À quatre heures et demie, M. Desmalions, le préfet de police, n’étant pas encore de retour, son secrétaire particulier rangea sur le bureau un paquet de lettres et de rapports qu’il avait annotés, sonna, et dit à l’huissier qui entrait par la porte principale :

M. le préfet a convoqué pour cinq heures plusieurs personnes dont voici les noms. Vous les ferez attendre séparément, afin qu’elles ne puissent communiquer entre elles, et vous me donnerez leurs cartes.

L’huissier sortit. Le secrétaire se dirigeait vers la petite porte qui donnait sur son cabinet, quand la porte principale fut rouverte et livra passage à un homme qui s’arrêta et s’appuya en chancelant contre le dossier d’un fauteuil.

— Tiens, fit le secrétaire, c’est vous, Vérot ? Mais qu’y a-t-il donc ? Qu’est-ce que vous avez ?

L’inspecteur Vérot était un homme de forte corpulence, puissant des épaules, haut en couleur. Une émotion violente devait le bouleverser, car sa face striée de filaments sanguins, d’ordinaire congestionnée, paraissait presque pâle.

— Mais rien, monsieur le secrétaire.

— Mais si, vous n’avez plus votre air de santé… Vous êtes livide… Et puis ces gouttes de sueur…

L’inspecteur Vérot essuya son front, et, se ressaisissant :

— Un peu de fatigue… Je me suis surmené ces jours-ci… Je voulais à tout prix éclaircir une affaire dont M. le préfet m’a chargé… Tout de même, c’est drôle, ce que j’éprouve.

— Voulez-vous un cordial ?

— Non, non, j’ai plutôt soif.

— Un verre d’eau ?

— Non… non…

— Alors ?

— Je voudrais… je voudrais…