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Luis aimait Florence, et don Luis n’était pas homme à livrer, même par jalousie, une femme qu’il aimait. Il redoubla d’attention.

— Voilà de la bonne besogne, dit-il. Conduisez-moi dans votre chambre. La lutte a été dure ?

— Pas trop. J’ai pu désarmer le bandit. Mazeroux cependant a été atteint au pouce d’un coup de poignard.

— Rien de sérieux ?

— Oh ! non, il est allé se faire soigner à la pharmacie voisine.

Le sous-chef s’arrêta, très surpris.

— Comment ! Mazeroux n’est pas avec les deux prisonniers dans votre chambre ?

— Je ne vous ai jamais dit qu’il y fût.

— Non, mais votre domestique…

— Mon domestique a commis une erreur. Mazeroux est sorti quelques minutes avant votre arrivée.

— C’est bizarre, dit Weber en observant don Luis, tous mes agents le croient ici. Ils ne l’ont pas vu sortir.

— Ils ne l’ont pas vu sortir ? répéta don Luis affectant l’inquiétude. Mais alors où serait-il ? Il m’a pourtant bien dit qu’il voulait se faire panser.

Le sous-chef se défiait de plus en plus. Évidemment Perenna voulait se débarrasser de lui en l’envoyant à la recherche du brigadier.

— Je vais dépêcher un de mes agents, dit-il. La pharmacie est proche ?

— À côté, rue de Bourgogne. D’ailleurs on peut téléphoner.

— Ah ! on peut téléphoner, murmura le sous-chef.

Il n’y comprenait plus rien. Il avait l’air d’un homme qui ne sait pas ce qui va lui tomber sur la tête. Lentement, il se dirigea vers le téléphone, tout en barrant la route à don Luis de façon à ce qu’il ne pût s’échapper.

Don Luis recula donc jusqu’à l’appareil, comme si on l’y avait forcé, d’une main décrocha le récepteur, et tandis qu’il appelait :

— Allô… allô… Saxe 24-09…

De l’autre main, appuyée contre le mur, il coupait un des fils à l’aide d’une petite pince qu’il avait eu soin de prendre sur la table.

— Allô…, le 24-09… C’est le pharmacien ? Allô… Le brigadier Mazeroux, de la Sûreté, est chez vous, n’est-ce pas ? Hein ? Quoi ? Qu’est-ce que vous dites ? Mais c’est horrible ! Vous êtes certain ? La blessure est empoisonnée !