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sentation de la carte de Perenna, désirait le voir aussitôt.

Il s’avança donc, et il allait entrer dans le bureau ainsi que Mazeroux, lorsqu’il se retourna brusquement vers son compagnon avec un cri de fureur :

— C’est lui ! C’est Sauverand qui était là, camouflé. Arrêtez-le ! Il vient de se défiler. Mais courez donc !

Lui-même il s’élança, suivi de Mazeroux, des gardes et des journalistes. Il ne tarda pas, du reste, à les distancer tous, de telle façon que, trois minutes après, il n’entendit plus personne derrière lui. Il avait dégringolé l’escalier de la Souricière et franchi le souterrain qui fait passer d’une cour à l’autre. Là, deux personnes lui affirmèrent avoir rencontré un homme qui marchait à vive allure.

La piste était fausse. Il s’en rendit compte, chercha, perdit du temps, et réussit à établir que Sauverand s’était enfui par le boulevard du Palais et qu’il avait rejoint, sur le quai de l’Horloge, une femme blonde, très jolie, Florence Levasseur, évidemment… Tous deux étaient montés dans l’autobus qui va de la place Saint-Michel à la gare Saint-Lazare.

Don Luis revint vers une petite rue isolée où il avait laissé son automobile, sous la surveillance d’un gamin. Il mit le moteur en mouvement, et, à toute vitesse, gagna la gare Saint-Lazare. Du bureau de l’autobus, il partit sur une nouvelle piste, qui se trouva mauvaise, perdit encore plus d’une heure, revint à la gare et finit par acquérir la certitude que Florence était montée seule dans un autobus qui l’emmenait vers la place du Palais-Bourbon. Ainsi donc, et contre toute attente, la jeune fille devait être rentrée.

L’idée de la revoir surexcita sa colère. Tout en suivant la rue Royale et en traversant la place de la Concorde, il bredouillait des paroles de vengeance et des menaces, qu’il avait hâte de mettre à exécution. Et il outrageait Florence. Et il la cinglait de ses injures. Et c’était un besoin, âpre et douloureux, de faire du mal à la vilaine créature.

Mais, arrivé à la place du Palais-Bourbon, il s’arrêta net. D’un coup, son œil exercé avait compté, de droite et de gauche, une demi-douzaine d’individus dont il était impossible de méconnaître les allures professionnelles. Et Mazeroux, qui l’avait aperçu, venait de pivoter sur lui-même et se dissimulait sous une porte cochère.