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leurs affaires finies, ils venaient de reprendre l’express de 7 h. 40. Le signalement de ce monsieur et de cette dame correspondait exactement à celui de Sauverand et de Florence.

— En route, dit Perenna après avoir consulté l’horaire. Nous avons une heure de retard. Il est possible que nous soyons au Mans avant le bandit.

— Nous y serons, patron, et nous lui mettrons la main au collet, je vous le jure… à lui et à sa dame, puisqu’ils sont deux.

— Ils sont deux en effet. Seulement…

— Seulement…

Don Luis attendit pour répondre qu’ils eussent pris place, et que le moteur fût lancé, et il prononça :

— Seulement, mon petit, tu laisseras la dame tranquille.

— Et pourquoi ça ?

— As-tu un mandat contre elle ?

— Non.

— Alors, fiche-nous la paix ?

— Cependant…

— Une parole de plus, Alexandre, et je te dépose sur le bord du chemin. Tu opéreras alors toutes les arrestations qui te plairont.

Mazeroux ne souffla plus mot. D’ailleurs, la vitesse à laquelle ils marchèrent tout de suite ne lui laissa guère de loisir pour protester. Assez inquiet, il ne songeait qu’à scruter l’horizon et à prévenir les obstacles. De chaque côté, les arbres s’évanouissaient à peine entrevus. Au-dessus leur feuillage faisait un bruit rythmé de vagues qui mugissent. Des bêtes de nuit s’affolaient dans la lumière des phares.

Mazeroux risqua :

— Nous arriverons tout de même. Inutile « d’en mettre davantage ».

L’allure augmenta. Il se tut.

Des villages, des plaines, des collines, et puis soudain, au milieu des ténèbres, la clarté d’une grande ville, le Mans.

— Tu sais où est la gare, Alexandre ?

— Oui, patron, à droite, et puis tout droit devant nous.

Bien entendu, c’était à gauche qu’il eût fallu tourner. Ils perdirent sept à huit minutes à errer dans des rues où on leur donnait des renseignements contradictoires. Quand l’auto stoppa devant la station, le train sifflait.

Don Luis sauta de voiture, se rua dans les salles, trouva les portes closes, bouscula des employés qui voulaient le retenir, et parvint sur le quai.

Un train allait partir deux voies plus