Page:Leblanc - Les Dents du Tigre, paru dans Le Journal, du 31 août au 30 octobre 1920.djvu/150

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Il a laissé des enfants, des parents qui ont le même nom ?

— Personne, pas un cousin. À preuve que sa propriété — le Vieux-Château qu’on l’appelle à cause des ruines qui s’y trouvent — est demeurée dans l’état. L’administration du domaine public a fait mettre les scellés sur les portes de la maison et barricadé celles du parc. On attend les délais pour prendre possession.

— Et les curieux ne vont pas se promener dans le parc, malgré les murs ?

— Ma foi, non. D’abord les murs sont hauts. Et puis… et puis, le Vieux-Château a toujours eu mauvaise réputation dans le pays. On a toujours parlé de revenants… des tas d’histoires à dormir debout… Mais, tout de même…

Perenna et son compagnon n’en croyaient pas leurs oreilles.

— Elle est raide celle-là, s’écria don Luis, lorsqu’ils eurent quitté la mairie. Voilà que l’ingénieur Fauville écrivait ses lettres à un mort, et à un mort, entre parenthèses qui m’a tout l’air d’avoir été assassiné.

— Quelqu’un les aura interceptées.

— Évidemment. N’empêche qu’il les écrivait à un mort auquel il faisait ses confidences et racontait les projets criminels de sa femme.

Mazeroux se tut. Lui aussi, il semblait extrêmement troublé.

Une partie de l’après-midi, ils se renseignèrent sur les habitudes du bonhomme Langernault, espérant découvrir quelque indication utile auprès de ceux qui l’avaient connu. Mais leurs efforts n’aboutirent à aucun résultat.

Vers six heures, au moment de partir, don Luis, constatant que l’auto manquait d’essence, dut envoyer Mazeroux en carriole jusqu’aux faubourgs d’Alençon. Il profita de ce répit pour aller voir le Vieux-Château, à l’extrémité du village.

Il fallait suivre, entre deux haies, un chemin qui conduisait à un rond-point planté de tilleuls et où se dressait, au milieu d’un mur, une porte en bois massif. La porte étant fermée, don Luis longea le mur et réussit à franchir en s’aidant des branches d’un arbre voisin. Dans le parc, c’étaient des pelouses incultes, encombrées de grandes fleurs sauvages et des avenues couvertes d’herbes qui s’en allaient, à droite, vers un monticule lointain, où se pressaient des constructions en ruines, et, à gauche, vers une petite maison délabrée aux volets mal joints.