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Doucement, posant sur chacune d’elles l’un de ses doigts, d’un effort continu il les écarta ainsi que l’on écarte les pétales d’une rose, et la double rangée des dents lui apparut.

Elles étaient charmantes, admirables de forme et de blancheur, peut-être un peu moins grandes que celles de Mme Fauville, peut-être aussi disposées en un cercle plus élargi. Mais qu’en savait-il ? Et qui pouvait assurer que leur morsure ne laissait pas la même empreinte ? Supposition invraisemblable, miracle inadmissible, il le savait. Et néanmoins combien les circonstances accusaient la jeune fille et la désignaient comme la plus audacieuse des criminelles, comme la plus cruelle, la plus implacable et la plus terrible !

Sa respiration devenait régulière. Un souffle égal s’exhalait de sa bouche, dont il sentit la caresse fraîche, enivrante comme le parfum d’une fleur. Malgré lui, il se pencha davantage, si près, si près qu’un vertige le prit et qu’il lui fallut faire un grand effort pour reposer sur le dossier du fauteuil la tête de la jeune fille et pour détacher son regard du beau visage aux lèvres entrouvertes. Il se releva et partit.


VII. — La grange-aux-pendus

De tous ces événements, on ne connut que la tentative de suicide de Marie-Anne Fauville, la capture et l’évasion de Gaston Sauverand, le meurtre de l’inspecteur principal Ancenis et la découverte d’une lettre écrite par Hippolyte Fauville. Ils suffirent, d’ailleurs, à raviver la curiosité d’un public que l’affaire Mornington intriguait déjà vivement et qui se passionnait aux moindres gestes de ce mystérieux don Luis Perenna que l’on s’obstinait à confondre avec Arsène Lupin.

Bien entendu, on lui attribua la capture momentanée de l’homme à la canne d’ébène. On sut, en outre, qu’il avait sauvé la