Page:Leblanc - Les Dents du Tigre, paru dans Le Journal, du 31 août au 30 octobre 1920.djvu/121

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Elle était un peu pâlie, un peu usée, comme le sont les photographies qui ont traîné dans des portefeuilles ou parmi des papiers, mais l’image n’en paraissait pas moins nette. C’était l’image rayonnante d’une jeune femme en toilette de bal, aux épaules nues, aux bras nus, coiffée de fleurs et de feuilles, et qui souriait.

Mlle Levasseur, murmura-t-il à diverses reprises… Est-ce possible ?

Dans un coin il y avait quelques lettres effacées à peine visibles. Il lut « Florence », le prénom de la jeune fille, sans doute.

Il répéta :

Mlle Levasseur… Florence Levasseur… Comment sa photographie se trouvait-elle dans le portefeuille de l’inspecteur Vérot ? Et par quel lien la lectrice du comte hongrois dont j’ai pris la succession dans cette maison se rattache-t-elle à toute cette aventure ?

Il se rappela l’incident du rideau de fer. Il se rappela l’article de l’Écho de France, article dirigé contre lui et dont il avait trouvé le brouillon dans la cour même de son hôtel. Surtout il évoqua l’énigme de ce tronçon de canne apporté dans son cabinet de travail. Et tandis que son esprit tâchait de voir clair en ces événements, tandis qu’il essayait de préciser le rôle joué par Mlle Levasseur, ses yeux demeuraient fixés sur la photographie, et distraitement il contemplait le joli dessin de la bouche, la grâce du sourire, la ligne charmante du cou, l’épanouissement admirable des épaules nues.

La porte s’ouvrit brusquement. Mlle Levasseur fit irruption dans la pièce.

À ce moment, Perenna, qui était seul, portait à ses lèvres un verre qu’il avait rempli d’eau. Elle bondit, lui saisit le bras, arracha le verre et le jeta sur le tapis où il se brisa.

— Vous avez bu ? Vous avez bu ? proféra-t-elle d’une voix étranglée.

Il affirma :

— Non, je n’avais pas encore bu. Pourquoi ?

Elle balbutia :

— L’eau de cette carafe… l’eau de cette carafe…

— Eh bien ?

— Cette eau est empoisonnée.

Il sauta de sa chaise, et, à son tour, lui agrippa le bras avec une violence terrible.

— Empoisonnée ! Que dites-vous ? Parlez ! Vous êtes certaine ?