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chef. C’est qu’il faut se méfier de pareils bougres. Non, attaquons-le au gîte. Il y a plus de certitude.

— Cependant…

— Qu’est-ce que vous avez donc, Mazeroux ? dit le sous-chef en le prenant à part. Vous ne voyez donc pas que nos hommes sont nerveux ? Ce type-là les inquiète. Il n’y a qu’un moyen, c’est de les lancer dessus, comme sur une bête fauve. Et puis il faut que l’affaire soit dans le sac quand le préfet viendra.

— Il vient donc ?

— Oui. Il veut se rendre compte par lui-même. Toute cette histoire-là le préoccupe au plus haut point. Ainsi donc, en avant ! Vous êtes prêts, les gars ? Je sonne.

Le timbre retentit en effet, et, tout de suite, la femme de ménage accourut et entrebâilla la porte.

Bien que la consigne fût de garder le plus grand calme afin de ne pas effaroucher trop tôt l’adversaire, la crainte qu’il inspirait était telle qu’il y eut une poussée et que tous les agents se ruèrent dans la cour, prêts au combat… Mais une fenêtre s’ouvrit et quelqu’un cria, du second étage :

— Qu’y a-t-il ?

Le sous-chef ne répondit pas. Deux agents, l’inspecteur principal, le commissaire et lui, envahissaient la maison, tandis que les deux autres, restés dans la cour, rendaient toute fuite impossible.

La rencontre eut lieu au premier étage. L’homme était descendu, tout habillé, le chapeau sur la tête, et le sous-chef proférait :

— Halte ! Pas un geste ! C’est bien vous, Hubert Lautier ?

L’homme sembla confondu. Cinq revolvers étaient braqués sur lui. Pourtant, aucune expression de peur n’altéra son visage, et il dit simplement :

— Que voulez-vous, monsieur ? Que venez-vous faire ici ?

— Nous venons au nom de la loi. Voici le mandat qui vous concerne, un mandat d’arrêt.

— Un mandat d’arrêt contre moi !

— Contre Hubert Lautier, domicilié au huit, boulevard Richard-Wallace.

— Mais c’est absurde !… dit-il, c’est incroyable… Pour quelle raison ?…

Sans qu’il opposât la moindre résistance, on l’empoigna par les deux bras et on le fit entrer dans une pièce assez grande où il n’y avait que trois chaises de paille, un fauteuil, et une table encombrée de gros livres.

— Là, dit le sous-chef, et ne bougez pas. Au moindre geste, tant pis pour vous…