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ture était proche. Il se dirigea vers elle et, toujours suivi, prit un train qui le conduisait à Auteuil.

— Bizarre, dit Mazeroux, il refait ce qu’il a fait il y a quinze jours. C’est là qu’on l’a aperçu.

L’individu longea dès lors les fortifications. En un quart d’heure, il atteignit le boulevard Suchet, et presque aussitôt l’hôtel où l’ingénieur Fauville et son fils avaient été assassinés. En face de cet hôtel, il monta sur les fortifications, et il resta là quelques minutes, immobile, tourné vers la façade. Puis, continuant sa route, il gagna la Muette, s’engagea dans les ténèbres du bois de Boulogne.

— À l’œuvre et hardiment ! fit don Luis qui pressa le pas.

Mazeroux le retint :

— Que voulez-vous dire, patron ?

— Eh bien, sautons-lui à la gorge, nous sommes deux, et le moment est propice.

— Voyons, patron, vous n’y pensez pas ?

— Pourquoi n’y penserais-je pas ?

— Parce qu’on ne peut arrêter un homme sans motif.

— Sans motif ? Un bandit de son espèce ? Un assassin ? Qu’est-ce qu’il te faut donc ?

— En l’absence d’un cas de force majeure, d’un flagrant délit, il me faut quelque chose que je n’ai pas.

— Quoi ?

— Un mandat. Je n’ai pas de mandat.

L’accent de Mazeroux était si convaincu et sa réponse parut si comique à don Luis Perenna qu’il éclata de rire.

— T’as pas de mandat ? Pauvre petit ! Eh bien, tu vas voir si j’en ai besoin, d’un mandat !

— Je ne verrai rien du tout, s’écria Mazeroux en s’accrochant au bras de son compagnon. Vous ne toucherez pas à cet individu.

— C’est ta mère ?

— Voyons, patron…

— Mais, triple honnête homme, articula don Luis, exaspéré, si nous laissons échapper l’occasion, la retrouverons-nous ?

— Facilement. Il rentre chez lui. Je préviens le commissaire de police. On téléphone à la préfecture, et demain matin…

— Et si l’oiseau est envolé ?

— Je n’ai pas de mandat.

— Veux-tu que je t’en signe un, idiot ?

Mais don Luis domina sa colère. Il sentait bien que tous ses arguments se briseraient contre l’obstination du brigadier, et que Mazeroux irait au besoin jusqu’à défendre l’ennemi contre lui. Il formula simplement d’un ton sentencieux :

— Un imbécile et toi, ça fait deux im-