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trente-trois ans, toujours vêtue de laine noire, timide, effacée, elle avait une tête trop petite, comprimée à droite et à gauche, et d’où le nez jaillissait comme une protestation contre une pareille exiguïté. Pourtant, on ne pouvait dire qu’elle fût laide, tellement ses yeux étaient beaux, tendres et graves, d’une fierté un peu triste, de ces yeux troublants qu’on n’oublie pas quand on les a vus.

Elle avait rougi de honte d’abord en entendant son père, et en apprenant par lui l’offense dont elle était victime. Mais comme elle le chérissait, bien qu’il se montrât dur avec elle, injuste et despotique, elle lui dit :

« Oh ! je pense que c’est une plaisanterie, mon père, et qu’il n’y faut pas prêter attention.

— Une plaisanterie ? Mais tout le monde en jase ! Dix journaux, ce matin, reproduisent cette lettre abominable, en l’accompagnant de commentaires ironiques ! On rappelle notre généalogie, nos ancêtres, les morts illustres de notre famille. On feint de prendre la chose au sérieux.

— Cependant personne ne peut croire…

— Évidemment, personne. Il n’empêche que nous sommes la fable de Paris.

— Demain, on n’y pensera plus.

— Demain, ma fille, on se souviendra que le nom d’Angélique de Sarzeau-Vendôme a été prononcé plus qu’il ne devait l’être. Ah ! si je pouvais savoir quel est le misérable qui s’est permis… »

À ce moment, Hyacinthe, son valet de chambre particulier, entra et prévint M. le duc qu’on le demandait au téléphone. Toujours furieux, il décrocha l’appareil et bougonna :