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automobile, et Patrice eut l’idée de faire un détour par la rue Raynouard. Comme ils débouchaient au carrefour de Passy, ils aperçurent maman Coralie qui sortait de la rue Raynouard, accompagnée du vieux Siméon.

Elle avait arrêté une auto. Siméon s’installa sur le siège.

Suivis par Patrice, ils allèrent jusqu’à l’ambulance des Champs-Élysées.

Il était onze heures.

— Tout va bien, dit Patrice. Pendant que son mari se sauve, elle ne veut, elle, rien changer à sa vie quotidienne.

Ils déjeunèrent aux environs, se promenèrent le long de l’avenue, tout en surveillant l’ambulance, puis s’y rendirent à une heure et demie.

Tout de suite Patrice avisa, au fond d’une cour vitrée où les soldats se réunissaient, le vieux Siméon qui, la moitié de la tête enveloppée de son cache-nez habituel, ses grosses lunettes jaunes devant les yeux, fumait sa pipe sur la chaise qu’il occupait chaque fois.

Quant à maman Coralie, elle se tenait au troisième étage, dans une des salles de son service, assise au chevet d’un malade dont elle gardait la main entre les siennes. L’homme dormait.

Maman Coralie parut très lasse à Patrice. Ses yeux cernés et son visage plus pâle encore qu’à l’ordinaire attestaient sa fatigue.

- Ma pauvre maman, pensa-t-il, tous ces gredins-là finiront par te tuer.

Il comprenait maintenant, au souvenir des scènes de la nuit précédente, pourquoi Coralie dérobait ainsi son existence et s’ef-