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— Oui, pourquoi pas ? se dit-il. Avant de déranger la police, de retrouver le numéro de l’individu qui m’a demandé, et de remonter ainsi au point de départ — procédés qu’on emploiera par la suite, — qui m’empêche, moi, de téléphoner immédiatement rue Raynouard, sous n’importe quel prétexte et de la part de n’importe qui ? J’aurai des chances, alors, de savoir à quoi m’en tenir…

Patrice sentait bien que le procédé ne valait pas grand-chose. Si personne ne répondait, cela prouvait-il que le crime avait eu lieu là-bas ? ou plutôt, tout simplement, que personne n’était encore levé ?

Mais le besoin d’agir le décida. Il chercha dans l’annuaire le numéro d’Essarès bey et, résolument, téléphona.

L’attente lui causa une émotion insupportable. Puis il reçut un choc qui l’ébranla des pieds à la tête. La communication était établie. Quelqu’un, là-bas, se présentait à son appel.

— Allo, dit-il.

— Allo, fit une voix. Qui est à l’appareil ?

C’était la voix d’Essarès bey.

Bien qu’il n’y eût là rien que de fort naturel, puisque, à cette heure, Essarès devait ranger ses papiers et préparer sa fuite, Patrice fut si interloqué qu’il ne savait que dire et qu’il prononça les premiers mots qui lui vinrent à l’esprit.

— Monsieur Essarès bey ?

— Oui. À qui ai-je l’honneur ?…

— C’est de la part d’un des blessés de l’ambulance en traitement à l’annexe…

— Le capitaine Belval peut-être ?