Page:Leblanc - Le triangle d'or, paru dans Le Journal, du 20 mai au 26 juil 1917.djvu/59

Cette page a été validée par deux contributeurs.

yeux comme fascinés par la terrifiante vision.

— Cinq centimètres encore, cria du bout de la pièce le chef, qui desserrait les liens du vieux Siméon.

L’ordre fut exécuté. La victime poussa une telle plainte que Patrice se sentit bouleversé. Mais, au même moment, il se rendit compte d’une chose qui ne l’avait pas frappé jusqu’ici, ou du moins à laquelle il n’avait attaché aucune signification. La main du patient, par une série de petits gestes qui semblaient dus à des crispations nerveuses, avait saisi le rebord opposé du guéridon, tandis que le bras s’appuyait sur le marbre. Et, peu à peu, cette main, à l’insu des bourreaux dont tout l’effort consistait à tenir les jambes immobiles, à l’insu du chef, toujours occupé avec Siméon, cette main faisait tourner un tiroir monté sur pivot, se glissait dans ce tiroir, en sortait un revolver, et ramenée brusquement, cachait l’arme à l’intérieur du fauteuil.

L’acte ou plutôt le dessein qu’il annonçait était d’une hardiesse folle, car enfin, réduit à l’impuissance comme il l’était, l’homme ne pouvait espérer la victoire contre cinq adversaires libres et armés. Pourtant, dans la glace où il le voyait, Patrice nota sur le visage une résolution farouche.

— Cinq centimètres encore, commanda le colonel Fakhi en revenant vers la cheminée.

Ayant constaté l’état des chairs, il dit en riant :

— La peau se gonfle par endroits, les veines sont près d’éclater. Essarès bey, tu ne dois pas être à la noce, et je ne doute plus de ta bonne volonté. Voyons, as-tu commencé à écrire ? Non ? Et tu ne veux pas ? Tu espères donc encore ? Du côté de