Page:Leblanc - Le triangle d'or, paru dans Le Journal, du 20 mai au 26 juil 1917.djvu/44

Cette page a été validée par deux contributeurs.

un effort à gauche : la clef tourna. Il poussa : la porte s’ouvrit.

— Entrons, dit-il.

Le nègre ne bougea pas. Patrice devina sa stupeur. Au fond, sa stupeur, à lui, n’était pas moindre. Par quel prodige inouï cette clef était-elle précisément la clef de cette porte ? Par quel prodige la personne inconnue qui la lui avait envoyée avait-elle pu deviner qu’il serait à même, sans autre avertissement, d’en user ?… Par quel prodige ?…

Mais Patrice avait résolu d’agir sans chercher le mot des énigmes qu’un hasard malicieux semblait prendre plaisir à lui poser.

— Entrons, répéta-t-il victorieusement.

Des branches d’arbre lui fouettèrent le visage et il se rendit compte qu’il marchait sur de l’herbe et qu’un jardin devait s’étendre devant lui. L’obscurité était si grande qu’on ne distinguait pas les allées dans la masse noire des pelouses et qu’après avoir marché pendant une ou deux minutes, il se heurta à des rochers sur lesquels glissait une nappe d’eau.

— Zut ! maugréa-t-il, me voilà tout mouillé. Sacré Ya-Bon !

Il n’avait pas fini de parler qu’un aboiement furieux se fit entendre dans les profondeurs du jardin et, tout de suite, le bruit de cet aboiement se rapprocha avec une extrême rapidité. Patrice comprit qu’un chien de garde, averti de leur présence, se ruait vers eux, et, si brave qu’il fût, il frissonna, tellement cette attaque en pleine nuit avait quelque chose d’impressionnant. Comment se défendre ? Un coup de feu les eût dénoncés et, cependant, il n’avait pas d’autre arme que son revolver.

La bête se précipitait, puissante, à en juger par le fracas de sa galopade, qui évoquait la course d’un sanglier dans les tail-