Page:Leblanc - Le triangle d'or, paru dans Le Journal, du 20 mai au 26 juil 1917.djvu/360

Cette page a été validée par deux contributeurs.

dépister les recherches. Il fallait surtout éviter l’inévitable accusation qu’on aurait portée contre le nouveau Siméon.

— Quelle accusation ?

— Comment ? Mais celle d’avoir tué Essarès bey. On découvre le matin un cadavre. Qui a tué ? Les soupçons se seraient dirigés aussitôt sur Siméon. On l’eût interrogé, arrêté. Et sous le masque de Siméon, on trouvait Essarès… Non, il lui fallait la liberté, l’aisance de ses mouvements. Pour cela, il cacha le crime toute la matinée et fit en sorte que personne n’entrât dans la bibliothèque. Par trois fois, il alla frapper à la porte de sa femme, afin qu’elle pût affirmer qu’Essarès bey vivait encore au courant de la matinée.

»  Puis, quand elle sortit, il ordonna tout haut à Siméon, c’est-à-dire à lui-même, de la conduire jusqu’à l’ambulance des Champs-Élysées. Et ainsi Mme Essarès crut laisser son mari vivant et être accompagnée du vieux Siméon, tandis qu’elle laissait en réalité, dans une partie vide de la maison, le cadavre du vieux Siméon, et qu’elle était accompagnée par son mari.

»  Qu’advint-il ? Ce que le bandit avait voulu. Vers une heure de l’après-midi, la justice, prévenue par le colonel Fakhi, arrivait et se trouvait en face d’un cadavre. Le cadavre de qui ? Il n’y eut pas à ce sujet l’ombre d’une hésitation. Les femmes de chambre reconnurent leur maître, et quand Mme Essarès se présenta ce fut son mari qu’elle aperçut étendu devant la cheminée où on l’avait torturé la veille au soir. Le vieux Siméon, c’est-à-dire Essarès, confirma cette identité. Vous-même fûtes pris au piège. Le tour était joué.