grave que, quels que soient les pouvoirs qui vous sont conférés, je doute qu’ils soient suffisants.
— Parlez, nous verrons.
— Voici.
Et don Luis Perenna, d’un ton flegmatique, comme s’il eût raconté la plus insignifiante des histoires, exposa sèchement son incroyable proposition.
— Monsieur, il y a deux mois, grâce à mes relations en Orient, et par suite des influences dont je dispose dans certains milieux ottomans, j’ai obtenu que la coterie qui dirige actuellement la Turquie acceptât l’idée d’une paix séparée. Il s’agissait tout simplement de quelques centaines de millions à distribuer. L’offre, que je fis transmettre aux Alliés, fut rejetée, non certes pour des raisons financières, mais pour des raisons politiques qu’il ne m’appartient pas de juger. Ce petit échec diplomatique, je ne veux plus le subir. J’ai manqué ma première négociation. Je ne manquerai pas la seconde. C’est pourquoi je prends mes précautions.
Il fit une pause, que M. Desmalions, absolument déconcerté, n’interrompit pas. Puis il reprit, et sa voix eut un accent un peu plus solennel :
— Il y a en ce moment, avril 1915, vous ne l’ignorez pas, des pourparlers entre les Alliés et la dernière des grandes puissances européennes qui soit restée neutre. Ces pourparlers sont sur le point d’aboutir et aboutiront parce que les destinées de cette puissance l’exigent et que le peuple entier est soulevé d’enthousiasme.
» Au nombre des questions agitées, il en est une qui fait l’objet d’une certaine divergence de vues, c’est la question d’argent.