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c’est que la plus grosse boule de ce chapelet se détacha autrefois et se brisa, que les deux moitiés de cette boule furent recueillies, que l’une d’elles retrouva sa place, et que l’autre, avec sa monture, forma la breloque que voici. Nous possédons donc, vous et moi, les deux moitiés d’une chose que quelqu’un possédait entière il y a une vingtaine d’années.

Il se rapprocha d’elle et reprit, d’un même ton, bas et un peu grave :

— Vous protestiez tout à l’heure quand j’affirmais ma foi dans le destin et la certitude que les événements nous menaient l’un vers l’autre. Le niez-vous encore ? Car enfin il s’agit là, ou bien d’un hasard, si extraordinaire que nous n’avons pas le droit de l’admettre — ou bien un fait réel qui montre que nos deux existences se sont touchées déjà dans le passé par quelque point mystérieux, et qu’elles se retrouveront dans l’avenir, pour ne plus se séparer. Et c’est pourquoi, sans attendre cet avenir peut-être lointain, je vous offre, aujourd’hui que vous êtes menacée, l’appui de mon amitié. Remarquez que je ne vous parle plus d’amour, mais d’amitié seulement. Acceptez-vous ?

Elle demeurait interdite, et tellement troublée par tout ce qu’il y avait de miraculeux dans l’union complète des deux fragments d’améthyste, qu’elle ne semblait pas entendre la voix du capitaine.

— Acceptez-vous ? répéta-t-il.

Au bout d’un instant, elle répondit :

— Non.

— Alors, dit-il avec bonne humeur, la preuve que le destin vous donne de sa volonté ne vous suffit pas ?

Elle déclara :

— Nous ne devons plus nous voir.

— Soit. Je m’en remets aux circonstan-