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Au fur et à mesure, le bonhomme mettait les lettres sous les yeux de Patrice, qui, du premier coup, avait reconnu l’écriture de son père, et qui lisait fiévreusement des bouts de phrases où son nom revenait sans cesse.

M. Vacherot l’observait et lui dit à la fin :

— Vous ne doutez plus, capitaine ?

L’officier crispa de nouveau ses poings contre ses tempes. Il articula :

— J’ai vu son visage, au haut de la lucarne, dans le pavillon où il nous avait enfermés… Il nous regardait mourir… un visage de haine éperdue… Il nous haïssait encore plus qu’Essarès…

— Erreur ! Hallucination ! protesta le bonhomme.

— Ou folie, murmura Patrice.

Mais il frappa la table violemment, dans un accès de révolte.

— Ce n’est pas vrai ! Ce n’est pas vrai ! s’exclama-t-il. Cet homme n’est pas mon père. Non ! un tel scélérat…

Il fit quelques pas en tournant dans la loge puis s’arrêta devant don Luis et lui dit d’un ton saccadé

— Allons-nous-en. Moi aussi, je deviendrais fou. Un cauchemar… il n’y a pas d’autre mot…, un cauchemar où les choses tournent à l’envers et où le cerveau chavire. Allons-nous-en… Coralie est en danger… Il n’y a que cela qui compte…

Le bonhomme hocha la tête.

— J’ai bien peur que…

— Quelle peur avez-vous ? rugit l’officier.

— J’ai peur que mon pauvre ami n’ait été rejoint par l’individu qui le suivait… car, alors, comment aurait-il pu sauver Mme Essarès ? C’est à peine, m’a-t-il dit,