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bout du monde, et, bien entendu, poursuite vaine, puisque le Chamois n’existe pas. Mais nous croyons mordicus qu’il existe et qu’il a échappé à nos investigations. Et alors, le tour est joué. Les millions sont partis. Siméon a disparu. Et nous n’avons plus qu’une chose à faire, c’est de nous résigner et d’abandonner nos recherches. Vous entendez, l’abandon de nos recherches, voilà le but du bonhomme. Et ce but, il l’aurait atteint si…

L’auto marchait à toute allure. De temps en temps, avec une adresse inouïe, don Luis l’arrêtait net. Un poste de territoriaux. Demande de sauf-conduit. Puis un bond en avant, et de nouveau la course folle, vertigineuse.

— Si… quoi ?… demanda Patrice à moitié convaincu. Quel est l’indice qui vous a mis sur la voie ?

— La présence de cette femme à Mantes. Indice vague d’abord. Mais, tout à coup, je me suis souvenu que, dans la première péniche, la Nonchalante, l’individu qui nous a donné ces renseignements… vous vous rappelez… le chantier Berthou ! Eh bien, en face de cet individu… j’avais eu l’impression bizarre… inexplicable, que j’étais peut-être en face d’une femme déguisée. Cette impression a surgi de nouveau en moi. J’ai fait le rapprochement avec la femme de Mantes… Et puis… et puis, ce fut un coup de lumière…

Don Luis réfléchit, et, à voix basse, il reprit :

— Mais qui diable ça peut-il bien être que cette femme-là ?

Il y eut un silence, et Patrice prononça instinctivement :

— Grégoire, sans doute…

— Hein ? Que dites-vous ? Grégoire ?

— Ma foi, puisque ce Grégoire est une femme.