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fesser à l’égard de don Luis un culte religieux. Le moindre geste de l’aventurier le plongeait dans l’extase. Il ne cessait pas de rire en présence du grand chef.

— Ya-Bon, tu vas tout à fait bien ? Ta blessure est finie ? Plus de fatigue ? Parfait. En ce cas, suis-moi.

Il le conduisit jusqu’au quai, un peu à l’écart du chantier Berthou.

— Dès neuf heures, ce soir, tu prendras la garde ici, sur ce banc. Tu apporteras de quoi manger et boire, et tu surveilleras particulièrement ce qui se passe là, en contre-bas. Que se passera-t-il ? Peut-être rien du tout. N’importe, tu ne bougeras pas avant que je sois revenu… à moins… à moins qu’il ne se passe quelque chose… auquel cas tu agiras en conséquence.

Il fit une pause et reprit :

— Surtout, Ya-Bon, méfie-toi de Siméon. C’est lui qui t’a blessé. Si tu l’apercevais, saute-lui à la gorge, et amène-le ici… Mais ne le tue pas, fichtre ! Pas de blague, hein ! Je ne veux pas que tu me livres un cadavre… mais un homme vivant. Compris, Ya-Bon ?

Patrice s’inquiéta :

— Vous craignez donc quelque chose de ce côté ? Voyons, c’est inadmissible, puisque Siméon est parti…

— Mon capitaine, dit don Luis, quand un bon général se met à la poursuite de l’ennemi, cela ne l’empêche pas d’assurer le terrain conquis et de laisser des garnisons dans les places fortes. Le chantier Berthou est évidemment un des points de ralliement, le plus important, peut-être, de notre adversaire. Je le surveille.

Don Luis prit également des précautions sérieuses à l’égard de maman Coralie. Très lasse, la jeune femme avait besoin de repos et de soins. On l’installa dans l’automobile, et, après une pointe vers le centre de Paris,