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eût personne. Mais un mince filet de fumée commençait à monter d’un tuyau qui émergeait du pont.

— Allons donc voir, dit-il.

La péniche portait l’inscription : La Nonchalante-Beaune.

Il leur fallut enjamber l’espace qui la séparait du quai et franchir des cordages et des barriques vides dont étaient couvertes les parties plates du pont. Une échelle les conduisit dans une sorte de cabine qui servait de chambre et de cuisine. Un homme s’y trouvait, solide d’aspect, le buste large, les cheveux noirs et bouclés, la figure imberbe. Comme vêtements, une blouse et un pantalon de treillis, sales et rapiécés.

Don Luis lui tendit un billet de vingt francs que l’homme prit avec vivacité.

— Un renseignement, camarade. As-tu vu, ces jours-ci, devant le chantier Berthou, une péniche ?

— Oui, une péniche à moteur qui est partie hier.

— Le nom de cette péniche ?

— La Belle-Hélène. Les gens qui l’habitaient, deux hommes et une femme, étaient des gens de l’étranger qui causaient… je ne sais pas en quelle langue… anglais, je crois, ou espagnol… à moins que… bref, je ne sais pas…

— Le chantier Berthou ne travaille pourtant plus ?

— Non, le patron est mobilisé, qu’on m’a dit… et puis les contremaîtres… Tout le monde y passe, n’est-ce pas, même moi. J’attends une convocation… quoique le cœur soit malade.

— Mais si l’on ne travaille plus au chantier, qu’est-ce que ce bateau faisait là ?

— Je l’ignore. Cependant, ils ont travaillé toute une nuit. Ils avaient déployé des rails sur le quai. J’entendais les wagonnets,