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trop tendus, mon capitaine… Et puis, la faim, peut-être… Il va falloir vous restaurer. Allons…

Il l’entraîna vers le pavillon à pas lents, en le soutenant, et il prononça, d’une voix un peu grave :

— Sur tout cela, mon capitaine, je vous demande la discrétion la plus absolue. Sauf quelques anciens amis, et sauf Ya-Bon, que j’ai rencontré en Afrique et qui m’a sauvé la vie, personne, en France, ne me connaît sous mon véritable nom. Je m’appelle don Luis Perenna. Au Maroc, où j’ai combattu, j’ai eu l’occasion de rendre service au très sympathique roi d’une nation voisine de la France, et neutre, lequel, bien qu’obligé de cacher ses vrais sentiments, souhaite ardemment notre victoire. Il m’a fait venir, et, comme conséquence, je lui ai demandé de m’accréditer et d’obtenir pour moi un sauf-conduit.

J’ai donc officieusement une mission secrète, qui expire dans deux jours. Dans deux jours, je retourne… d’où je venais et où, pendant la guerre, je sers la France à ma façon… qui n’est pas mauvaise, croyez-le bien, comme on le verra un jour ou l’autre[1].

Ils arrivaient tous deux près du siège où dormait maman Coralie. Don Luis arrêta Patrice.

— Un mot encore, mon capitaine. Je me suis juré, et j’ai donné ma parole à celui qui a eu confiance en moi, que mon temps, durant cette mission, serait exclusivement consacré à défendre, dans la mesure de mes moyens, les intérêts de mon pays. Je dois donc vous avertir que, malgré toute ma sympathie pour vous, je ne saurais pro-

  1. La prochaine aventure d’Arsène Lupin que publiera le Journal, sera intitulée Les Dents du Tigre.