Page:Leblanc - Le triangle d'or, paru dans Le Journal, du 20 mai au 26 juil 1917.djvu/222

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Mon Dieu, l’habitude… l’expérience. Bien des problèmes, indéchiffrables pour les autres, me semblent à moi les plus simples et les plus clairs du monde. Ainsi…

— Ainsi ?…

Don Luis hésita, puis, à la fin, répondit :

— Non, non…, il est préférable que je ne parle pas… L’ombre se dissipera peu à peu. Attendons. Pour l’instant…

Il prêta l’oreille.

— Tenez, il a dû vous voir. Et, maintenant qu’il est renseigné, il s’en va.

Patrice s’émut :

— Il s’en va ! Vous voyez… Il eût mieux valu s’emparer de lui. Le retrouvera-t-on jamais, le misérable ? Pourrons-nous nous venger ?

Don Luis sourit.

— Voilà que vous traitez de misérable l’homme qui veille sur vous depuis vingt ans, et qui vous a rapproché de maman Coralie ! Votre bienfaiteur !

— Ah ! est-ce que je sais ! Tout cela est tellement obscur ! Je ne puis que le haïr… Je suis désolé de sa fuite… Je voudrais le torturer, et cependant…

Il avait eu un geste de désespoir et se tenait la tête entre les mains. Don Luis le réconforta.

— Ne craignez rien. Jamais il n’a été plus près de sa perte qu’à la minute actuelle. Je l’ai sous la main comme cette feuille d’arbre.

— Mais comment ?

— L’homme qui conduit son automobile est à moi.

— Quoi ? Que dites-vous ?

— Je dis que j’ai mis l’un de mes hommes sur un taxi ; que ce taxi, selon mon ordre, rôdait au bas de la ruelle et que Siméon n’a pas manqué de sauter dedans.

— C’est-à-dire que vous le supposez…