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Ils avaient cette impression effarante que doivent éprouver les condamnés à l’aube de leur dernier jour. Du fond de leurs cellules, ils entendent les préparatifs, la machine sinistre que l’on monte, ou les batteries électriques qui fonctionnent déjà. Des hommes s’ingénient à ce que tout soit prêt, pour qu’aucune chance favorable ne demeure et que le destin s’accomplisse dans toute sa rigueur inflexible.

Le leur allait s’accomplir. La mort était au service de l’ennemi ; la mort et l’ennemi travaillaient ensemble. Il était la mort lui-même, agissant, combinant, et menant la lutte contre ceux qu’il avait résolu de supprimer.

— Ne me quitte pas, dit Coralie en sanglotant, ne me quitte pas…

— Quelques secondes seulement, dit-il… Il faut que nous soyons vengés plus tard.

— À quoi bon, mon Patrice, qu’est-ce que cela peut nous faire ?

Il avait quelques allumettes dans une boîte. Tout en les allumant les unes après les autres, il conduisit Coralie vers le panneau de l’inscription.

— Que veux-tu ? demanda-t-elle.

— Je ne veux pas que l’on attribue notre mort à un suicide. Je veux répéter ce que nos parents ont fait et préparer l’avenir. Quelqu’un lira ce que je vais écrire et nous vengera.

Il se baissa et prit un crayon dans sa poche. Il y avait un espace libre, tout en bas, sur le panneau. Il traça :

« Patrice Belval et sa fiancée Coralie meurent de la même mort, assassinés par