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C’est une torture de penser que tu souffres davantage. Il faut que notre part soit égale. Tu acceptes, n’est-ce pas ?

— Oui, dit-il.

— Donne-moi tes deux mains. Regarde au fond de mes yeux, et sourions, mon Patrice.

Ils s’abîmèrent un instant dans une sorte d’extase, éperdus d’amour et de désir. Mais elle lui dit :

— Qu’est-ce que tu as, mon Patrice ? Te voilà encore bouleversé…

— Regarde… regarde…

Il poussa un cri rauque. Cette fois, il était certain de ce qu’il avait vu.

L’échelle remontait. Les dix minutes étaient écoulées.

Il se précipita et saisit violemment un des barreaux.

Elle ne bougea plus.

Que voulait-il faire ? Il l’ignorait. Cette échelle offrait la seule chance de salut pour Coralie. Allait-il y renoncer et se résigner à l’inévitable ? Une minute, deux minutes se passèrent. En haut, on avait dû raccrocher de nouveau l’échelle, car Patrice sentait la résistance qu’offre une chose fixée solidement.

Coralie le supplia :

— Patrice, Patrice, qu’espères-tu ?…

Il regardait autour de lui et au-dessus de lui, comme s’il eût cherché une idée, et il semblait regarder aussi en lui-même, comme si, cette idée, il l’eût cherchée parmi tous les souvenirs qu’il avait accumulés au moment où son père tenait aussi l’échelle dans une tension dernière de sa volonté.