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vous sent toute seule. Personne ne se dévoue à votre bonheur et à votre sécurité. Alors j’ai pensé… il y a longtemps que je pense à cela et que j’attends l’occasion de vous l’avouer… j’ai pensé que vous aviez sans doute besoin d’un ami, d’un frère qui vous guide et qui vous défende. Me suis-je trompé, maman Coralie ?

À mesure qu’il parlait, on eût dit que la jeune femme se resserrait en elle-même et qu’elle mettait un peu plus de distance entre elle et lui, comme si elle n’eût pas voulu qu’il pénétrât dans ces régions secrètes qu’il dénonçait.

Elle murmura :

— Si, vous vous êtes trompé. Ma vie est toute simple, je n’ai pas besoin d’être défendue.

— Vous n’avez pas besoin d’être défendue ! s’écria-t-il avec une animation croissante. Et alors ces hommes qui ont essayé de vous enlever ? Ce complot ourdi contre vous ? Ce complot dont vos agresseurs redoutent tellement la découverte qu’ils vont jusqu’à supprimer celui d’entre eux qui s’est laissé prendre ? Alors, quoi, ce n’est rien tout cela ? Je me trompe en affirmant que vous êtes environnée de périls ? que vous avez des ennemis d’une audace extraordinaire ? qu’il faut vous défendre contre leurs entreprises ? et que, si vous n’acceptez pas l’offre de mon assistance… eh bien… eh bien…

Elle s’obstinait dans le silence, de plus en plus lointaine, presque hostile.

L’officier frappa du poing le marbre de la cheminée et, se penchant sur la jeune femme :

— Eh bien, dit-il, achevant sa phrase d’un ton résolu, eh bien, si vous n’acceptez pas l’offre de mon assistance, moi, je vous l’impose.

Elle secoua la tête.