Page:Leblanc - Le triangle d'or, paru dans Le Journal, du 20 mai au 26 juil 1917.djvu/19

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il s’arrêta pour contempler Coralie dont le joli profil se détachait sur les lueurs de la cheminée, puis il revint s’asseoir à ses côtés, et il lui dit doucement :

— Je ne sais rien de vous. À l’ambulance les infirmières et les docteurs vous appellent Mme Coralie. Vos blessés prononcent maman. Quel est votre nom de femme ou de jeune fille ? Êtes-vous mariée ou veuve ? Où habitez-vous ? On l’ignore. Chaque jour, aux mêmes heures, vous arrivez et vous vous en allez par la même rue. Quelquefois, un vieux serviteur à longs cheveux gris et à barbe embroussaillée, un cache-nez autour du cou, des lunettes jaunes sur les yeux, vous accompagne ou vient vous chercher. Quelquefois aussi, il vous attend, assis sur la même chaise, dans la cour vitrée. On l’a interrogé, mais il ne répond à personne.

» Je ne sais donc rien de vous, qu’une chose, c’est que vous êtes adorablement bonne et charitable, et que vous êtes aussi, je puis le dire, n’est-ce pas ? adorablement belle. Et c’est peut-être, maman Coralie, parce que toute votre existence m’est inconnue que je me l’imagine si mystérieuse, et, en quelque sorte, si douloureuse, oui, si douloureuse ! Vous donnez l’impression de vivre dans la peine et dans l’inquiétude. On