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jusqu’au jour où Siméon la découvrit, et, par précaution, la dissimula de nouveau sous une cloison de bois, et posa deux rideaux à la place de l’unique rideau. De la sorte, tout semblait normal.

Patrice se remit à l’œuvre. Quelques lignes encore apparurent.

« Ah ! si j’étais seul à souffrir, seul à mourir mais l’horreur de tout cela, c’est que j’entraîne avec moi ma chère Coralie. Elle s’est évanouie et repose en ce moment, terrassée par l’épouvante qu’elle cherche à dominer. Ma pauvre bien-aimée ! Je crois voir déjà, sur son doux visage, la pâleur de la mort. Pardon, pardon, ma bien-aimée. »

Patrice et Coralie se regardèrent. C’étaient les mêmes sentiments qui les agitaient, les mêmes scrupules, les mêmes délicatesses, le même oubli de soi devant la douleur de l’autre.

Patrice murmura :

— Il aimait votre mère comme je vous aime. Moi non plus, la mort ne m’effraie pas. Je l’ai bravée tant de fois, et en souriant ! Mais vous, vous Coralie, vous pour qui je subirais toutes les tortures…

Il se mit à marcher. La colère le reprenait.

— Je vous sauverai, Coralie, je le jure. Et quelle joie ce sera alors de se venger ! Il aura le sort même qu’il nous réservait, vous entendez, Coralie. C’est ici qu’il mourra… C’est ici. Ah ! comme je m’y emploierai de toute ma haine !

Il arracha de nouveau des morceaux de planche avec l’espoir d’apprendre des choses qui pourraient lui être utiles, puisque la lutte reprenait dans des conditions identiques.

Mais les phrases suivantes étaient, comme celles qu’il venait de prononcer, des serments de vengeance :