Page:Leblanc - Le triangle d'or, paru dans Le Journal, du 20 mai au 26 juil 1917.djvu/185

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sans qu’on sache la cause de notre mort.

»  Il y a peu de jours, il disait à Coralie :

« Vous repoussez mon amour, vous m’accablez de votre haine. Soit, mais je vous tuerai, votre amant et vous, et de telle façon que l’on ne pourra m’accuser d’une mort qui semblera un suicide. Tout est prêt. Défiez-vous, Coralie ! »

»  Tout était prêt, en effet. Il ne me connaissait point, mais devait savoir que Coralie avait ici des rendez-vous quotidiens, et c’est dans ce pavillon qu’il a préparé notre tombeau.

»  Quelle sera notre mort ? Nous l’ignorons. Le manque de nourriture, sans doute. Voilà quatre heures que nous sommes emprisonnés. La porte s’est refermée sur nous, une lourde porte qu’il a dû placer cette nuit. Toutes les autres ouvertures, portes et fenêtres, sont également bouchées par des blocs de pierre accumulés et cimentés depuis notre dernière entrevue. Une évasion est impossible. Qu’allons-nous devenir ? »

La partie découverte s’arrêtait là. Patrice prononça :

— Vous voyez, Coralie, ils ont passé par les mêmes affres que nous. Eux aussi, ils ont redouté la faim. Eux aussi, ils ont connu les longues heures d’attente où l’inaction est si douloureuse, et c’est un peu pour se distraire de leurs pensées qu’ils ont écrit ces lignes.

Il ajouta après un instant d’examen.

— Ils pouvaient croire — et c’est ce qui est arrivé — que celui qui les tuait ne lirait pas ce document. Tenez, un seul grand rideau était tendu devant ces fenêtres et devant l’intervalle qui les sépare, un seul rideau comme le prouve l’unique tringle qui domine tout cet espace. Après la mort de nos parents, personne n’ayant songé à écarter ce voile, la vérité demeura cachée…