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jardin du musée Galliera. La grille est haute. Mais la main droite de Ya-Bon ne connaît pas d’obstacles. Ainsi donc, maman Coralie, l’affaire est enterrée. On ne parlera pas de vous, et, pour cette fois, je réclame un remerciement.

Il se mit à rire.

— Un remerciement, mais pas de compliment. Saperlotte, quel mauvais gardien de prison je fais ! Et avec quelle dextérité les autres m’ont soufflé mon captif ! Comment n’ai-je pas prévu que le second de vos agresseurs, l’homme au feutre gris, irait avertir le troisième complice qui attendait dans son auto, et que tous deux ensemble viendraient au secours de leur compagnon ? Et voilà qu’ils sont venus. Et, tandis que vous et moi nous bavardions, ils ont forcé l’entrée de service, ont passé par la cuisine, sont arrivés devant la petite porte qui sépare l’office du vestibule et ont entrebâillé cette porte. Là, tout près d’eux, sur son canapé, le personnage est toujours évanoui, et solidement attaché. Comment faire ? Impossible de le tirer hors du vestibule sans donner l’éveil à Ya-Bon. Et pourtant, si on ne le délivre pas, il parlera, il vendra ses complices, il empêchera d’aboutir un plan soigneusement préparé. Alors ? Alors un des compagnons se penche furtivement, avance le bras, entoure de sa cordelette cette gorge que Ya-Bon a déjà rudement endommagée, ramène les boucles des deux extrémités, et serre, serre lentement, serre tranquillement, jusqu’à ce que mort s’ensuive. Aucun bruit. Pas un soupir. Tout cela s’opère dans