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pagnée d’une lettre… que je n’ai pas reçue, hélas !

— Alors, Patrice, vous ne pensez plus qu’il est mort, cet ami inconnu, et que vous avez entendu ses cris d’agonie ?

— Je ne sais pas. Siméon a-t-il agi seul ? Avait-il un confident, un assistant dans l’œuvre qu’il a entreprise ? Et est-ce celui-là qui est tombé à sept heures dix-neuf ? Je ne sais pas. Tout ce qui s’est passé en cette matinée sinistre reste dans une ombre que rien n’atténue. La seule conviction que nous puissions avoir, c’est que, depuis vingt ans, Siméon Diodokis a poursuivi, en notre faveur et contre l’assassin de nos parents, une tâche obscure et patiente, et que Siméon Diodokis est vivant.

Et Patrice ajouta :

— Vivant, mais fou ! De sorte que nous ne pouvons ni le remercier, ni l’interroger sur la sombre histoire qu’il connaît ou sur les périls qui vous menacent. Et pourtant, pourtant, lui seul…

Une fois de plus, Patrice voulut tenter l’épreuve, bien qu’assuré d’un échec nouveau. Siméon occupait, dans l’aile naguère réservée au logement des domestiques, une chambre où il était le voisin de deux mutilés. Patrice y alla. Siméon s’y trouvait.

À moitié endormi dans un fauteuil, tourné vers le jardin, il tenait à sa bouche une pipe éteinte. La chambre était petite, à peine meublée, mais propre et claire. Toute la vie secrète de ce vieillard s’y était écoulée. À diverses reprises, en son absence, M. Desmalions l’avait visitée. Patrice également, chacun à son point de vue.