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— Votre mère et mon père se sont aimés, reprit-il. Sans doute furent-ils de ces amants un peu exaltés dont l’amour a des puérilités charmantes, car ils voulurent s’appeler entre eux d’une façon dont personne ne les avait appelés, et ils choisirent leurs seconds prénoms, qui étaient le vôtre et le mien également. Un jour votre mère laissa tomber son chapelet en grains d’améthyste. Le plus gros se cassa en deux morceaux. Mon père fit monter l’un de ces morceaux en breloque qu’il suspendit à la chaîne de sa montre.

» Votre mère et mon père étaient tous deux veufs. Vous aviez deux ans et moi huit ans. Pour se consacrer entièrement à celle qu’il aimait, mon père m’envoya en Angleterre, et il acheta le pavillon où votre mère, qui habitait l’hôtel voisin, allait le rejoindre en traversant la ruelle et en usant de cette même clef. C’est dans ce pavillon ou dans le jardin qui l’entoure qu’ils furent sans doute assassinés. Nous le saurons d’ailleurs, car il doit rester des preuves visibles de cet assassinat, des preuves que Siméon Diodokis a trouvées, puisqu’il n’a pas craint de l’affirmer par l’inscription de la pierre tombale.

— Et qui fut l’assassin ? murmura la jeune femme.

— Comme moi, Coralie, vous le soupçonnez. Le nom abhorré se présente à votre esprit, bien qu’aucun indice ne nous permette la certitude.

— Essarès ! dit Coralie en un cri d’angoisse.

— Très probablement.

Elle se cacha la tête entre les mains.