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répondait pas, ou bien riait d’un rire d’innocent.

Ainsi, le problème se compliquait, et rien ne laissait prévoir qu’il pût être résolu. Qui les avait, depuis leur enfance, promis l’un à l’autre comme des fiancés dont une loi inflexible a disposé d’avance ? Qui avait, à l’automne dernier, alors qu’ils ne se connaissaient pas, préparé la corbeille de pensées ? Et qui avait, dix ans plus tôt, inscrit leurs deux noms en cailloux blancs dans l’épaisseur d’un mur ?

Questions troublantes pour deux êtres chez qui l’amour s’était éveillé spontanément, et qui, tout à coup, apercevaient derrière eux un long passé qui leur était commun. Chaque pas qu’ils faisaient ensemble dans le jardin leur semblait un pèlerinage parmi des souvenirs oubliés, et, à chaque détour d’allée, ils s’attendaient à découvrir une nouvelle preuve du lien qui les avait unis à leur insu.

Et de fait, en ces quelques jours, deux fois sur le tronc d’un arbre, une fois sur le dossier d’un banc, ils virent leurs initiales entrelacées. Et, deux fois encore, leurs noms apparurent inscrits sur de vieux murs et masqués par une couche de plâtre que voilait un rideau de lierre.

Et ces deux fois-là, leurs deux noms étaient accompagnés de deux dates : « Patrice et Coralie, 1904 »… « Patrice et Coralie, 1907 ».

— Il y a onze ans, et il y a huit ans, dit l’officier. Toujours nos deux noms… Patrice et Coralie.

Leurs mains se serraient. Le grand mystère de leur passé les rapprochait l’un de l’autre, autant que le profond amour qui les emplissait et dont ils s’abstenaient de parler.

Malgré eux, cependant, ils recherchaient