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avant d’avoir achevé son œuvre, Il est mort assassiné. Or, Siméon est vivant.

Et Patrice ajouta :

— D’ailleurs celui-là avait une autre voix que Siméon, une voix que je n’avais jamais entendue et que je n’entendrai plus jamais.

Coralie n’insista pas, convaincue à son tour.

Ils étaient assis sur un des bancs du jardin, profitant d’un beau soleil d’avril. Les bourgeons des marronniers luisaient aux pointes des rameaux. Les lourds parfums des giroflées montaient des plates-bandes, et leurs fleurs jaunes ou mordorées, comme des robes de guêpes ou d’abeilles serrées les unes contre les autres, ondulaient au gré d’une brise légère.

Soudain, Patrice frissonna. Coralie avait posé sa main sur la sienne, en un geste d’abandon charmant, et, tout de suite, l’ayant observée, il vit qu’elle était émue jusqu’aux larmes.

— Qu’y a-t-il donc, maman Coralie ?

La tête de la jeune femme s’inclina, et sa joue toucha l’épaule de l’officier. Patrice n’osa pas bouger, pour ne point paraître donner à ce mouvement fraternel une valeur de tendresse qui eût peut-être froissé Coralie.

Il répéta :

— Qu’y a-t-il ? Qu’avez-vous, mon amie ?

— Oh ! murmura-t-elle, c’est si étrange ! Regardez, Patrice, regardez ces fleurs.

Ils se trouvaient sur la troisième terrasse et dominaient donc la quatrième terrasse, et cette dernière, la plus basse, au lieu de plates-bandes de giroflées, offrait des parterres où s’entremêlaient toutes les fleurs de printemps, tulipes, mères de fa-