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chargea d’elle. Malheureusement, cette femme tomba sous la domination d’Essarès, signa des papiers, en fit signer à sa petite nièce, de sorte que toute la fortune de l’enfant, administrée par l’Égyptien, disparut peu à peu.

Enfin, vers l’âge de dix-sept ans, Coralie fut la victime d’une aventure qui lui laissa le plus affreux souvenir et qui eut sur sa vie une influence fatale. Enlevée un matin, dans la campagne de Salonique, par une bande de Turcs, elle passa deux semaines au fond d’un palais en butte aux désirs du gouverneur de la province. Essarès la délivra. Mais cette délivrance s’effectua d’une façon si bizarre que, bien souvent, depuis, Coralie devait se demander s’il n’y avait pas eu un coup monté entre le Turc et l’Égyptien.

Toujours est-il que, malade, déprimée, redoutant une nouvelle agression, contrainte par sa tante, elle épousait un mois plus tard cet Essarès qui, déjà, lui faisait la cour et qui, maintenant, en définitive, prenait à ses yeux figure de sauveur. Union lamentable, dont l’horreur lui apparut le jour même où elle fut consommée. Coralie était la femme d’un homme qu’elle détestait et dont l’amour s’exaspéra de toute la haine et de tout le mépris qui lui furent opposés.

L’année même du mariage, ils venaient s’installer dans l’hôtel de la rue Raynouard. Essarès, qui, depuis longtemps, avait fondé et dirigeait à Salonique la succursale de la Banque Franco-Orientale, ramassait presque toutes les actions de cette banque, achetait pour l’établissement de la maison principale l’immeuble de la rue Lafayette, devenait à Paris l’un des maîtres de la finance, et recevait en Égypte le titre de bey.