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rester invisibles. Toute excavation laisse des traces. Il faut une issue pour y entrer et pour en sortir. Or, le gazon des pelouses, comme le sable des allées, ne révélait aucun vestige de terre remuée fraîchement. Le lierre ? Les murailles de soutien ? Les terrasses ? Tout cela fut visité. Inutilement. On trouva de place en place, dans les tranchées que l’on pratiqua, d’anciennes canalisations vers la Seine, et des tronçons d’aqueduc qui servaient jadis à l’écoulement des eaux de Passy. Mais quelque chose qui fût un abri, une casemate, une voûte de maçonnerie, quelque chose qui eût l’apparence d’une cachette, cela ne se trouva point.

Patrice et Coralie suivaient ces recherches. Pourtant, bien qu’ils en comprissent tout l’intérêt, et bien que, d’autre part, ils subissent encore l’anxiété des heures dramatiques qui venaient de s’écouler, au fond, ils ne se passionnaient que pour le problème inexplicable de leur destin, et presque toutes leurs paroles s’en allaient vers les ténèbres du passé.

La mère de Coralie, fille d’un consul de France à Salonique, avait épousé là-bas un homme d’un certain âge, très riche, le comte Odolavitz, d’une vieille famille serbe, lequel était mort un an après la naissance de Coralie. La veuve et l’enfant se trouvaient alors en France, précisément dans cet hôtel de la rue Raynouard, que le comte Odolavitz avait acheté par l’intermédiaire d’un jeune Égyptien, Essarès, qui lui servait de secrétaire et de factotum.

Coralie avait donc vécu là trois années de son enfance. Puis, subitement, elle perdait sa mère. Restant seule au monde, elle était emmenée par Essarès à Salonique, où son grand-père, le consul, avait laissé une sœur beaucoup plus jeune que lui et qui se