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Que se passait-il donc ?

Le jour avait baissé, sans que Patrice s’en rendît compte. À son insu également, comme le boudoir n’était pas grand et que la chaleur du feu y devenait lourde, Mme Essarès avait entr’ouvert la fenêtre, dont les battants, néanmoins, se rejoignaient presque. C’est cela qu’elle considérait attentivement, et c’est de là que venait le danger.

Patrice fut près de courir à cette fenêtre. Il ne le fit pas. Le danger se précisait. Dehors, dans l’ombre du crépuscule, il distinguait, à travers les carreaux obliques, une forme humaine. Puis il aperçut, entre les deux battants, un objet qui brillait à la lueur du feu et qui lui parut être le canon d’un revolver.

— Si l’on soupçonne un instant que je suis sur mes gardes, pensa-t-il, Coralie est perdue.

De fait, la jeune femme se trouvait en face de la fenêtre, dont aucun obstacle ne la séparait. Il prononça donc à haute voix et d’un ton dégagé :

— Coralie, vous devez être un peu lasse. Nous allons nous dire adieu.

En même temps, il tournait autour du fauteuil pour la protéger.

Mais il n’eut pas le temps d’accomplir son mouvement. Elle aussi, sans doute, avait vu luire le canon du revolver, elle se recula brusquement et balbutia :

— Ah ! Patrice… Patrice…

Deux détonations retentirent que suivit un gémissement.

— Tu es blessée ! s’écria Patrice en se précipitant sur la jeune femme.

— Non, non, dit-elle, mais la peur…

— Ah ! s’il t’a touchée, le misérable !