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ami secourable. Et Patrice ne pensait plus à tous les problèmes qui le tourmentaient, ni à cette série de crimes qui s’étaient accumulés autour d’eux, ni aux périls qui pouvaient les environner. Il ne pensait qu’à l’abandon et à la douleur de la jeune femme.

— Ne répondez pas, Coralie, ne dites pas un mot. C’est à moi de parler. Il faut que je vous apprenne ce que vous ignorez, c’est-à-dire les motifs pour lesquels vous vouliez m’éloigner de cette maison… de cette maison et de votre existence même…

Il posa sa main sur le dossier du fauteuil où elle était assise, et cette main effleura la coiffe de la jeune femme.

— Coralie, vous vous imaginez que c’est la honte de votre ménage qui vous éloigne de moi. Vous rougissez d’avoir été la femme de cet homme, et cela vous rend confuse et inquiète, comme si vous étiez coupable vous-même. Mais pourquoi ? Est-ce de votre faute ? Ne pensez-vous pas que je devine, entre vous deux, tout un passé de misère et de haine, et que, ce mariage, vous y avez été contrainte je ne sais par quelle machination ? Non, Coralie, il y a autre chose, que je vais vous dire. Il y a autre chose…

Il s’était penché sur elle encore davantage. Il discernait son profil charmant que la flamme des bûches éclairait, et il s’écria avec une ardeur croissante et en usant de ce tutoiement qui, chez lui, gardait un ton de respect affectueux :

— Dois-je parler, maman Coralie ? Non, n’est-ce pas ? Tu as compris et tu vois clair en toi. Ah ! je sens que tu trembles des pieds à la tête. Mais oui, dès le premier jour, tu l’as aimé ton grand diable