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jours Coralie l’accompagnait, fillette d’abord, et puis jeune fille, et puis femme.

— Est-ce croyable ! murmurait-il. Comment cela est-il possible ? Voilà des portraits de moi que j’ignorais, épreuves d’amateur évidemment, et qui me suivent à travers la vie. Me voici en soldat quand je faisais mon service militaire… Me voici à cheval… Qui a pu ordonner que ces photographies fussent prises ? Et qui a pu les réunir ainsi, près des vôtres, madame ?

Il tenait ses yeux fixés sur Coralie. La jeune femme se dérobait à son interrogatoire et baissait la tête comme si l’intimité de leurs existences, attestée par ces pages, l’eût troublée au plus profond d’elle-même.

Il répéta :

— Qui a pu les réunir ? Le savez-vous ? Et d’où vient cet album ?

M. Desmalions répondit :

— C’est le docteur qui l’a trouvé en déshabillant M. Essarès. Sous sa chemise, M. Essarès portait un maillot, et, dans une poche intérieure de ce maillot, poche cousue, il y avait ce petit album dont le docteur a senti le cartonnage.

Cette fois, les yeux de Patrice et de Coralie se rencontrèrent. L’idée que M. Essarès avait collectionné leurs photographies, à eux deux, et cela depuis vingt-cinq ans, et qu’il les conservait sur sa poitrine, et qu’il vivait avec elles, et qu’il était mort avec elles, une telle idée le bouleversait, au point qu’il n’essayait même pas d’en examiner l’étrange signification.

— Vous êtes bien sûr de ce que vous avancez, monsieur ? demanda Patrice.

— J’étais là, dit M. Desmalions. J’ai assisté à la découverte. D’ailleurs, j’en ai fait moi-même une autre qui confirme celle-ci et la complète d’une manière vraiment surprenante. C’est la découverte d’un mé-