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Ils étaient retournés au bureau. Christiane marchait avec agitation, reprise de fièvre. D’Orsacq la suivait des yeux. Sa beauté acquérait un caractère nouveau et plus humain, qu’il ne lui connaissait pas, et qui provenait de sa peine et de sa terreur. Cette physionomie, un peu trop fixée d’ordinaire dans une expression d’ardeur presque tragique, trahissait soudain les émotions les plus diverses, les plus confiantes comme les plus désespérées.

« Oh ! dit-elle en se rasseyant, je suis brisée. Est-ce le salut ? Y a-t-il un chemin qui s’ouvre ? Quelle torture ! et quelle joie ! Si cela pouvait être ! Voyez-vous, non seulement je ne veux pas que mon mari soit un assassin, mais je ne veux même pas qu’on le suppose. Cela, c’est horrible ! Il aurait tué, que je ne sais pas ce que je penserais de lui… Mais puisqu’il n’a pas tué, je ne veux pas… ce serait trop injuste. »

Au bout d’un instant, il murmura :

« Vous l’aimez donc ? »

Elle s’impatienta… « Il ne s’agit pas de cela, mais je ne veux pas que mon mari soit un assassin.

— Mais vous lui pardonnez son vol…

— Taisez-vous ! dit Christiane. Il faut oublier…

— Pourrez-vous oublier ?

Elle balbutia :

« Le pourrai-je ? Oui… je ne sais pas… C’est un autre être maintenant pour moi… J’avais tant de confiance en lui ! une telle estime ! Et puis voilà qu’il a commis une pareille action ! Mon Dieu Pourquoi l’avez-vous dénoncé ? Sans vous, on n’aurait rien su… »

Elle se tordait les mains, elle gémissait et des larmes coulaient de ses yeux.

Il pensa qu’elle ne pardonnerait jamais à son mari, et que jamais, quoi qu’il advînt, elle ne retrouverait au fond d’elle l’image intacte de l’homme dont elle portait le nom.

Il s’approcha. Un silence plus grave les unit. Ils ne le rompirent ni l’un ni l’autre, car aucune parole ne pouvait être prononcée et aucun regard jeté vers l’avenir. Mais une grande douceur des-