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victime. C’était un sieur Agénor Bâton, domicilié à Paris, rue de Grenelle.

D’Orsacq se souvint. Trois ans auparavant, il avait renvoyé de ses bureaux de Paris un sieur Agénor Bâton, employé chez lui comme homme de peine, et qu’il avait surpris un jour en train de fouiller dans ses papiers.

Était-ce Agénor Bâton son visiteur de la veille, qu’il avait poursuivi et blessé ? Fort probablement.

Était-ce Agénor Bâton qui avait de nouveau fouillé dans les tiroirs de ses bureaux de Paris ? Fort probablement.

Mais alors il aurait fallu qu’il eût : 1o la clef même des bureaux de Paris et celle de la pièce particulière de d’Orsacq ?  ; 2o la clef de la petite grille du château et celle de la porte de service par où l’on pénétrait dans le sous-sol ? En tout, quatre clefs. Était-ce admissible ?

Et, d’autre part, que cherchait-il à Paris ? Que cherchait-il au château le soir même où d’Orsacq enfermait les titres dans son coffre-fort ?

Toutes ces questions se présentèrent à l’esprit du comte Jean d’Orsacq durant les jours suivants, et pendant l’enquête que l’on fit aux environs. Mais ni la justice ni lui n’aboutirent à la moindre certitude. La justice ne recueillit aucun renseignement sur l’existence, sur la famille, et même sur l’identité du personnage.

Était-ce son véritable nom que ce nom d’Agénor Bâton, inscrit sur une feuille de calepin ? On l’admit, parce qu’il habitait, en effet, sous ce nom, une mansarde à l’adresse indiquée. Mais on n’en fut pas très sûr.

Le hasard fit même, comme tout le personnel des d’Orsacq avait été renouvelé, que l’on ne remonta point jusqu’à cet Agénor Bâton que d’Orsacq avait employé jadis dans ses bureaux de Paris.

D’Orsacq n’était pas homme à se tourmenter pour un problème difficile, ni même à s’y intéresser. Ayant résolu de se taire sur des incidents qui ne concernaient que lui et qui ne pouvaient plus avoir de suite, puisque le personnage était mort, il remit au destin le soin de lui fournir les explications nécessaires, quand le jour des explications serait venu.

Pour l’instant, il n’y pensa même plus. L’existence offrait à ce grand amoureux de la vie des sources d’intérêt constamment renouvelées qui ne lui permettaient pas de s’attarder au passé. Christiane allait-elle accepter l’invitation ? Christiane répondrait-elle à son amour ? Voilà ce qui le passionnait.

Ce n’est qu’au moment le plus intense du drame inattendu qui allait atteindre d’Orsacq, à la minute suprême de son existence, que la clarté jaillit dans les ténèbres.

Et à cette minute-là, le drame était si terrifiant que la solution de l’énigme ne pouvait plus influer sur l’inévitable dénouement.

Les événements qui suivent, relatifs au crime et au vol que nous allons raconter, furent si rapides, qu’il ne s’écoula pas vingt heures entre les péripéties initiales et le coup de théâtre qui mit fin brusquement à l’instruction ouverte. Lorsque la nuée des journalistes s’abattit autour du château d’Orsacq, on peut dire que tout était terminé. Ils se heurtèrent à des grilles closes et à des consignes de silence.

À force de recherches patientes, il