Page:Leblanc - Le Chapelet rouge, paru dans Le Grand Écho du Nord, 1937.djvu/35

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Et c’est tellement plus facile ! Dans une affaire passionnelle, l’interrogatoire se réduit au minimum. Quelques questions seulement, qui déclenchent tout le mécanisme des instincts, des sentiments, des haines, des colères, des vengeances. Plus rien à faire qu’à écouter. On n’a pas en face de soi ces personnages sournois, qui se méfient et vous mettent dedans, mais des acteurs qui se chargent eux-mêmes de faire l’interrogatoire, qui mettent en lumière, malgré eux, les points obscurs, qui s’accusent les uns les autres, et qui ne savent pas se défendre. Ça, c’est passionnant, monsieur le Substitut ! Ça, ça vaut qu’on se dérange, et qu’on paye sa place aux fauteuils d’orchestre. L’affaire est vivante, tout en réactions psychologiques et en réflexes involontaires. Tandis que celle-ci…

M.  Rousselain eut un geste de mépris indicible et acheva :

— Rien à espérer ! Nous sommes sûrs qu’il ne se produira rien de nouveau et que nous aboutirons à cette éternelle question d’argent, qui est bien, en matière judiciaire, le mobile le plus banal et le plus insipide. De tout ce que j’ai recueilli depuis une heure, de tous les propos que j’ai entendus et de la façon dont chacun m’a raconté la chose, il ne ressort rien de frappant, rien que cet intérêt subalterne qui s’attache aux énigmes criminelles comme elles sont exposées dans les romans policiers.

« Pouah ! Six cent mille francs disparus. Et après ? Qu’est-ce que vous voulez que ça me f… à moi ?

M.  Rousselain affectait parfois un peu de vulgarité, mais cela demeurait toujours dans la note plaisante et dans un ton de bonne compagnie. Cependant, il sentit qu’il avait été trop loin, et il dit plus gravement :