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toujours sur son bras le manteau noir, il marchait vite et s’engouffra dans la Station de police.

Un quart d’heure environ s’écoula. Florence était toujours à son poste. Enfin Max Lamar reparut. Il ne portait plus le manteau noir. D’un pas rapide, il s’éloigna.

Quand il fut hors de vue, Florence donna un ordre à son chauffeur. L’auto repartit, traversa, dans un autre sens, la ville et, au milieu d’un quartier commerçant, très éloigné du quartier élégant où était situé Blanc-Castel, fit halte à proximité d’un vaste magasin de confection pour hommes.

Florence descendit et entra délibérément dans le magasin.

L’heure de la fermeture approchait et quelques employés commençaient déjà à ranger les marchandises. Cependant, en voyant apparaître une jeune fille aussi jolie et aussi élégante que Florence, un commis, jeune homme roux, sémillant et pommadé, s’élança, la bouche en cœur et les bras en ailes de pigeon, d’un comptoir où, deux secondes plus tôt, il bâillait à se décrocher la mâchoire.

— Je désirerais avoir un costume complet et un pardessus, pour mon frère, expliqua Florence, qui s’amusait intérieurement des grâces du commis.

— Parfaitement, mademoiselle. Mademoiselle veut-elle avoir la bonté grande de m’accompagner, soupira le commis avec une œillade en coulisse et du ton qu’il eût pris pour faire une déclaration d’amour…

— Mon frère, continua Florence, est à peu près de ma taille. Il vient d’avoir la diphtérie…

Le commis fit un bond en arrière.

— Ne craignez rien, remarqua tranquillement Florence, on n’a pas voulu que je l’approche pendant sa maladie. Mais ses anciens habits ne lui vont plus. Je veux, bien entendu des vêtements élégants…

Dix minutes après, chargée de deux vastes cartons, Florence remonta dans son auto qui l’arrêta ensuite à la porte d’un chapelier, puis d’un coiffeur.

Il était tard lorsque la jeune fille, portant de nombreux paquets, rentra à Blanc-Castel. Espérant ne pas être vue, elle traversa en hâte le vestibule. Elle mettait le pied sur la première marche de l’escalier, lorsque Mme Travis, qui survenait par la porte du fond, l’appela, et Florence dut s’arrêter.

— Mon enfant, comme tu rentres tard… Et en voilà des paquets ! s’exclama la vieille dame, qui considérait avec stupéfaction les colis qui encombraient les bras de Florence… Qu’est-ce que tout cela, grands dieux ?…

— Oh ! rien que des vêtements que j’ai promis à Meg Sanderson pour son vestiaire de charité et que j’ai été acheter. C’est ce qui m’a retardée. On n’en finit pas dans ces magasins, expliqua négligemment Florence. Accordez-moi encore dix minutes, maman, je vais changer de robe et je descends dîner.

» Merci, Yama, je monterai cela moi-même, ajouta-t-elle en refusant les services du domestique japonais qui, avec empressement, s’approchait pour la débarrasser des paquets.

La jeune fille gravit rapidement l’escalier et entra dans son appartement.

— Est-ce vous, Flossie ? demanda, venant de la seconde pièce, la voix de Mary.

— Oui, oui, ma bonne Mary ! c’est moi ! répondit Florence qui, en hâte, dissimula derrière un rideau ses colis et s’élança auprès de la vieille gouvernante.

Mary, au milieu de la pièce que l’obscurité envahissait, était assise dans un fauteuil, la tête sur sa main et le coude appuyé au bras du siège.

— Mary ! Mary ! s’écria Florence en se