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son manteau blanc gracieusement jeté sur son bras.

Max Lamar, acharné à la poursuite de la mystérieuse femme en noir et exaspéré de n’en trouver aucune trace avait, on le sait, devancé dans les allées du parc ses compagnons.

Pour la dixième fois, il s’était arrêté, regardant autour de lui, et cherchant en vain quelque indice, quand, tout à coup, le bruit d’un pas léger sur le gravier lui fit tourner la tête.

Une jeune fille débouchait d’une allée voisine.

Max Lamar eut une exclamation de vive surprise, d’admiration aussi. Il avait reconnu Florence Travis, qui s’avançait nonchalamment, toute vêtue de blanc et délicieusement jolie.

Florence, au même moment, reconnut le jeune homme. Elle fit deux pas encore et, s’arrêtant, amicalement, lui tendit la main.

Il faut supposer que les instincts de l’enquêteur étaient développés à un bien haut degré chez Max Lamar, car, en serrant cette petite main blanche, fine et douce, il ne put s’empêcher d’y jeter, presque machinalement, un regard scrutateur.

Aucune marque, aucun stigmate n’en déshonorait l’épiderme délicat, et Lamar, presque honteux de lui-même, releva les yeux vers le charmant visage de la jeune fille. Celle-ci, en souriant, après un échange de politesses banales, lui rappela qu’il s’était engagé à venir la voir.

— Je n’ai pas oublié mon sauveur, dit-elle, et vous, monsieur Lamar, ne vous souvenez-vous pas que vous m’avez promis de me mettre au courant de vos études et de vos investigations scientifiques ?… Ma mère et moi, nous serions très heureuses de vous voir venir bientôt à Blanc-Castel.

Elle s’éloigna, toujours souriante.

Max Lamar, et ses compagnons qui venaient de le rejoindre, et qui l’attendaient à quelques pas, non sans un peu d’impatience, reprirent leurs recherches. Elles furent vaines, mais jusqu’au soir ils les poursuivirent.

Alors seulement Max Lamar et Randolph Allen remontèrent dans l’auto policière afin de regagner ensemble, pour se concerter, la Station centrale, tandis que, de son côté, M.  Karl Bauman, dont le courroux ne se calmait point, et son caissier, harassé, étaient ramenés à la banque par Wilson, qui maugréait à cause de l’heure tardive.

Il était dit d’ailleurs que cette journée serait mouvementée pour tout le monde. Pendant que se déroulait la scène du parc, à Blanc-Castel, la mère de Florence, Mme  Travis, et Mary, la gouvernante dévouée, étaient dans une mortelle inquiétude par suite de l’absence inexplicablement prolongée de la jeune fille.

Sous le péristyle de la luxueuse demeure, les deux femmes, dans une angoisse grandissante, se communiquaient leurs craintes. Jamais Florence, si indépendante d’allure qu’elle fût, n’était restée absente, seule, aussi longtemps. Elle était sortie après le déjeuner sans dire où elle allait, et les heures avaient passé sans la ramener… Mme  Travis avait dépêché Yama, son domestique japonais, à la recherche de la jeune fille. Où ? Elle ne savait, et, frémissante, plus désespérée de minute en minute, appuyée sur la vieille gouvernante aussi bouleversée, aussi défaite qu’elle-même, elle attendait.