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— Larkin ! appela-t-il avec une brusquerie méprisante, en poussant la porte du salon d’attente précédant son cabinet de travail.

— Monsieur Bauman ?

Le garçon de bureau, comme mû par un ressort, s’était dressé.

— Courez demander au caissier le dossier Gardiner et courez le porter à M. Bull, au tribunal.

— Oui, monsieur. Si monsieur veut bien me permettre…

— J’ai dit : « Courez ! »

M. Bauman, qui aimait terroriser, quand il le pouvait sans risques, foudroya du regard le garçon de bureau.

Celui-ci, tremblant, sans oser s’expliquer davantage, partit en toute hâte. M. Bauman traversa le salon et entra dans son cabinet de travail. Il posa sur un meuble son chapeau et sa canne, dépouillant en même temps son air important qu’une expression de ruse cupide, qui était la vraie, remplaça. Il se frotta les mains et se laissa tomber dans un siège avec le laisser-aller d’un homme qui se trouve seul chez lui, loin des regards indiscrets. Il venait de traiter une affaire particulièrement avantageuse et exhala un petit ricanement d’allégresse.

Bientôt, il se leva et s’approcha de la porte à secret, qui était dans le mur. Il souleva sur une embrasse le rideau, puis tourna les boutons, fit manœuvrer les aiguilles, composa la combinaison et ouvrit le lourd battant métallique.

Les rideaux de la fenêtre eurent un frémissement.

M. Bauman ne s’en aperçut point. La porte à secret s’était ouverte sur une petite pièce sans fenêtre, pareille à un très grand placard creusé dans l’épaisseur du mur et intérieurement blindé d’acier. Les parois en étaient couvertes de rayons et de casiers pleins de dossiers étiquetés.

M. Bauman tourna un commutateur, et l’électricité éclaira l’intérieur du réduit. Il y entra, prit une énorme liasse sur laquelle était écrit le mot « Reconnaissances » et vint la poser sur son bureau. Ensuite, il retourna dans la petite pièce secrète, dont il tira à demi la porte sur lui, et, à la lueur de l’ampoule électrique, se mit à compulser avec attention divers documents, tout en prenant des notes sur un agenda.

Un léger mouvement se manifesta dans le rideau.

Une forme féminine, voilée de noir, en sortit rapidement, sans le moindre bruit.

M. Bauman, dans la chambre-coffre-fort, travaillait toujours, absorbé.

Dans la vaste pièce qui leur servait de bureau, les employés de la banque Bauman étaient à l’ouvrage, ce jour-là, avec une activité qui s’était accrue considérablement depuis qu’ils avaient entendu, dans l’antichambre, la voix glapissante de leur patron qui rentrait.

L’un d’eux, cependant, dont la table, située au bout du bureau, était la plus rapprochée du cabinet de travail de M. Bauman, depuis quelques minutes, n’écrivait plus avec le même zèle. Son attention semblait distraite par une préoccupation extérieure et ses additions en souffraient. Enfin, il posa sa plume et tendit l’oreille.

Au bout de quelques instants, il appela son voisin.

— Monsieur Jarvis !

— Monsieur Grant ?